Etre malade c’est voir sa charge mentale augmenter de manière exponentielle… alors qu’on ne devrait avoir à ce préoccuper que de soi, il faut penser à mille choses qui finissent par m’user autant que les traitements et la maladie. Résultat j’ai du mal à contrôler mon côté obsessionnel et je me retrouve à compter tout, tout le temps ou presque. Ma vie est devenue un compte à rebours sans fin…
Encore 21 séances de radiothérapie soit 5 semaines et un jour. Espérer que les prochains rendez-vous ne seront pas modifiés. Réfléchir à mon emploi du temps pour savoir si le changement est acceptable ou non. Se souvenir que ce jour-là l’Ado mange à la maison, estimer les temps de trajets pour savoir si c’est jouable. Négocier encore et toujours parce que je ne veux pas annuler le déj qu’a prévu l’Ado avec sa copine. Puis pendant les séances s’installer, attendre puis au premier clic compter 6 séquences de 15 secondes. Appeler le taxi, espérer qu’il soit là… l’entendre dire qu’il sera là dans 10 min… compter 20 minutes avant de pouvoir enfin monter dedans. Et demain il faudra recommencer, attendre, compter et enfin rentrer…
Encore 44 comprimés à prendre avant une pause de 7 jours, soit 5 jours et demi. Réaliser qu’on en a déjà avalé 68, trouver que ce chiffre est totalement hallucinant. Vivement la pause mais avant même d’en profiter, anticiper de ne pas oublier de se mettre une alarme pour reprendre le traitement. Penser à enclencher le minuteur après mon petit déj et mon dîner, compter 1/2 heure et avaler ma drogue. Compter le temps qui passe après les avoir pris, ne pas vomir pour éviter de foutre le bordel. Le soir, ne surtout pas oublier de prendre les autres, ceux grâce auxquelles je garde un minimum de lucidité. Essayer de compter combien il me reste de temps à subir cela, se rendre compte que je n’en sais rien, personne ne m’a dit si les 5 cycles commençaient après la radiothérapie ou si j’étais déjà dedans. Se dire qu’avec un peu de chance aux vacances de la Toussaint se sera fini. Réaliser que les vacances de la Toussaint c’est dans 6 mois… mais surtout ne pas oublier ce fichu minuteur.
Ne pas oublier de prendre tout un tas de rendez-vous médicaux. Penser à faire ma prise de sang tous les quinze jours. Essayer de les caler dans un agenda trop rempli et totalement aléatoire, un agenda qui changera tous les vendredis mais aussi dans la semaine. En avoir marre de ne jamais pouvoir rien planifier.
Penser le samedi matin à appeler le taxi, espérer qu’il aura suffisamment de dispo pour s’occuper de mes trajets. A chaque changement m’assurer qu’il pourra être là sans avoir à attendre. Attendre encore et toujours…
Attendre, devoir toujours penser à tout et raconter encore et toujours jusqu’à la nausée. Raconter pour ceux qui ne me lisent pas ici, raconter pour ceux qui ont le luxe d’oublier tout en faisant bonne figure… Mais surtout ne jamais rien oublier, ne pas oublier même un instant que je suis malade et que ma vie ne tourne plus qu’autour de ça… L’espace de quelques secondes j’aimerai oublier, oublier les traitements, les obligations, j’aimerai qu’on me laisse oublier que je suis malade et puis je me rappelle que je ne peux pas, l’enjeu est trop important…
Heureusement dans tout cela il y a un compte à rebours qui me fait du bien, ma lueur au fond de ce tunnel qui dure depuis trop longtemps 64 jours avant de prendre l’avion et de rentrer à la maison, 65 avant d’aller m’apaiser à la plage…